Ze Room Noire

POLARS, FILMS DE FLICS, BD, ENTREVUES, ETC.


 
 
Paula et Luz sont deux travelos qui tapinent dans les bas-fonds de Buenos Aires, un milieu dangereux et pas très recommandable. Paula est inquiète; sa copine Luz n’est pas au rendez-vous qu’elles s’étaient fixé et cela ne lui ressemble pas. De plus, Luz semblait très anxieuse lors de son dernier message. Paula, déjà  bien stressée à l’idée de passer une audition pour un spectacle qui la sortirait de son monde pourri, demande à son amie Jana, une indienne Mapuche, sculpteure de son état, de se joindre à elle pour retrouver sa collègue.

Quand elles arrivent aux bords des quais, la police s’y trouve déjà. Un corps salement amoché vient d’être repêché des eaux polluées du port; c’est celui de Luz. La police n’est pas très empressée de retrouver les assassins d’un travelo qui n’intéresse que deux laissés-pour-compte. Jana s’en aperçoit très vite et se tourne vers un détective privé pour poursuivre les recherches.

Ruben Calderon se spécialise dans la recherche des victimes de la junte militaire qui a sévi en 1976 après un coup d’état. Les grands-mères de la place de Mai sont ses principales sources d’information, elles qui n’ont jamais baissé les bras dans leur recherche des familles disparues. Ruben a de bonnes raisons de vouloir démasquer les auteurs de ces disparitions : enlevé avec sa jeune soeur, cette dernière n’est jamais rentrée à la maison. Quant à lui, si ses bourreaux l’ont laissé sortir, ce n’est que pour en faire un porte-parole de l’horreur qui sévissait dans les lieux de détention. Il en a gardé des séquelles physiques et mentales, mais il a joué la carte de la résilience, laissant à sa mère l’espoir de revoir sa fille un jour.

Calderon, dont les enquêtes dérangent dans les hautes sphères de la société, s’est fait beaucoup d’ennemis et il a survécu à quelques atteintes à sa vie. Quand Maria Campallo, la fille d’un homme d’affaires important disparaît, et qu’on approche Calderon pour la retrouver, il hésite car il répugne à travailler du côté des parvenus de l’ancien régime. Il accepte finalement, pour rendre service à un ami journaliste, et dans l’espoir d’obtenir des informations incriminant le puissant père de la disparue. C’est à ce moment que Jana vient lui demander d’enquêter sur le meurtre de Luz. Bien que l’indienne ne le laisse pas indifférent, il n’est pas trop emballé par l’affaire. Mais en étudiant les dernières allées et venues de Maria, il s’aperçoit qu’elle connaissait Luz et l’avait rencontrée peu de temps avant que celle-ci ne soit exécutée. Les deux histoires semblent liées et quand le corps de Maria est repêché à son tour, les résultats de l’autopsie révéleront que les tortionnaires de la junte ont repris du service.

Quels liens unissaient Maria et Luz et quels secrets ont-elles emportés avec elles?  Ruben accepte l’aide de Jana pour remonter la filière des assassins. Tous deux ont de bonnes raisons de vouloir les démasquer mais seront-ils de taille à affronter les bourreaux d’autrefois dans une chasse à l’homme qui s’annonce sans merci?

Une histoire très rythmée et une solide reconstitution de cette période trouble de l’Argentine. Les descriptions des tortures donnent froid dans le dos et on comprend la détermination sans faille des grands-mères de Mai, de vouloir faire la lumière sur les disparitions de leurs proches. Un récit mené de main de maître avec des personnages qu’on laisse à regret mais qu’on espère voir sur grand écran, comme ce sera le cas pour les protagonistes de Zulu, précédent roman de Caryl Férey, adapté au cinéma par Jérôme Salle avec Orlando Bloom et Forest Whitaker; Zulu clôturera le Festival de Cannes 2013.

Mapuche s’est vu décerner le Prix du meilleur polar français 2012 par le magazine Lire.

Sur l’auteur : Écrivain, voyageur, scénariste et rocker dans l'âme, Caryl Férey s'impose come l'un des meilleurs espoirs du thriller français. Il est aussi l'auteur de Haka, et Utu dont l'action se déroule en Nouvelle-Zélande, et il a également fait une incursion en Afrique du Sud avec Zulu.

Texte de Grenouille Noire

 
-30-

 

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Titre original anglais : Bury Your Dead
Traduit par : Claire et Louise Chabalier

Installée dans mon fauteuil préféré, un jeté sur les genoux où ronronne mon gros chat, je suis sous le charme du dernier Louise Penny, “Enterrez vos morts”.
Trois histoires s’y côtoient, parfois dans la même page, quand des souvenirs tragiques reviennent hanter l’inspecteur-chef Gamache et son adjoint Beaulieu : une réouverture du dossier de la dernière enquête de Gamache, l’affaire de l’ermite assassiné, une opération récente qui a mal tournée, et une affaire en cours à élucider.
Gamache est en convalescence, à Québec, chez son vieil ami et mentor Émile Comeau. Le carnaval de Québec bat son plein mais Gamache n’est pas à la fête. Côté physique, il se remet bien des blessures récoltées lors de sa dernière enquête, mais le moral est en berne. Il s’en veut de n’avoir pu décrypter suffisamment rapidement les indices qui auraient pu sauver la vie d’un de ses jeunes agents. 
Son collègue Beaulieu n’en mène pas large non plus. Au repos également suite à la funeste opération, il retourne à Three Pines, à la demande de Gamache, pour enquêter sur certains détails de l’affaire de l’ermite, qui apparaissent avec le recul comme étant trop “évidents” et qui les auraient amenés à désigner trop rapidement un coupable. Connaissant bien son second, Gamache sait qu’il doit l’occuper pour l’aider à surmonter le choc post-traumatique qu’il combat lui-même. Pour s’occuper, il passe ses journées à lire sur la bataille des plaines d’Abraham, à la Literary and Historical Society, une magnifique bibliothèque tenue par des bénévoles de la communauté anglophone de Québec. Un petit monde refermé sur lui-même et qui vit son déclin avec amertume.
Survient alors un événement pour le moins perturbant pour cette discrète communauté : un cadavre  est retrouvé dans le sous-sol du Centre Morrin, l’immeuble qui abrite la Society. La victime est le très controversé Augustin Renaud, chercheur frénétique de la tombe de Champlain depuis des décennies et qui avait, peu de temps avant son décès, demandé la permission de creuser les caves de la société, convaincu que sa dernière hypothèse serait prouvée en ces lieux. Gamache ne peut s’empêcher de mener son enquête.
L’auteur nous tient en haleine avec la superposition de ces trois histoires. C’est habilement mené et on ne s’y perd pas. Louise Penny a aussi bien fait ses devoirs historiques et elle nous donne le goût d’en savoir plus sur le fondateur de Québec. Elle possède ce don de recréer des atmosphères chaleureuses de petits cafés et de restos aux menus épicuriens ainsi que le confort douillet d’auberges  fréquentés par ses personnages. Ces petites touches et la personnalité de Gamache confèrent à ses romans une atmosphère "feel good". Avec ce roman, Penny atteint un niveau supérieur dans le domaine du roman policier : cette histoire dense possède un niveau d’intensité jamais égalé dans les précédents romans de cette auteure canadienne.
Si vous n'avez jamais lu Louise Penny, Enterrez vos morts, est le livre qui vous rendra accro.
Bio : Louise Penny (née en 1958, à Toronto) est une femme de lettres canadienne qui est surtout connue pour ses romans policiers. Elle s’est mise à l’écriture après sa carrière de journaliste. Elle demeure maintenant à Sutton, dans les Cantons de l’Est, région de la petite communauté fictive de Three Pines, où se déroulent les enquêtes de l’inspecteur Armand Gamache. Les livres de cette série ont valu à Penny plusieurs prix, dont le Agatha décerné annuellement au meilleur roman policier qui se conforme au style d’Agatha Christie. Penny détient d’ailleurs un record impressionnant : elle est la seule à avoir remporté ce prix quatre années consécutives (de 2007 à 2010). Son premier roman, Still Life (En plein cœur) vient d’être adapté en anglais pour la télévision par la CBC (Société Radio-Canada).
Pour en savoir plus, on vous recommande de retrouver Louise Penny sur Facebook, ou bien sur son site au www.louisepenny.com
texte de Grenouille Noire
 

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Titre original : Defending Jacob
Traducteur : Philippe MOTHE
Éditeur : Michel Lafon

Lorsque le corps d’un ado est retrouvé dans un parc, poignardé à mort, le procureur Andrew Barber décide de garder le dossier, car il trouve que l’enquête ne progresse pas assez vite à son goût et de plus, il aime être confronté à des cas difficiles.  Mais lorsque les premiers indices sortent, l’affaire lui est retirée, car tout désigne Jacob, son fils, comme principal suspect.

C’est alors le début de la descente aux enfers pour Andrew et Laurie, abasourdis et bouleversés, des parents et citoyens respectés de la communauté de cette petite ville du Massachusetts.  Ils se  mobilisent pour fournir la meilleure défense possible à leur fils, mais les doutes finissent par miner la confiance de Laurie envers  ce dernier.  Au fil des témoignages, des traits de personnalité inconnus de ses parents font surface, comme sa cruauté envers les animaux et les personnes handicapées.  Alors sa mère  se souvient de sa petite enfance difficile et asociale et des “accidents” qui se produisaient autour de lui. Et quand elle apprend la véritable identité du père d’Andrew, criminel incarcéré pour meurtre, ses soupçons ne font qu’augmenter.  Elle en veut terriblement à Andrew de lui avoir caché son héritage familial. Quant à l’avocat de la famille, il doit se préparer aux attaques  d’une défense qui ne manquera pas d’invoquer le gène du meurtre pour enfoncer davantage Jacob.

L’histoire se déroule sur une période d’un an et on passe par toute la gamme d’émotions que vivent les parents de Jacob: du regain d’espoir au désarroi le plus profond.  Quant à Jacob, il semble étranger au tumulte qui secoue son entourage.

Quelque chose dans la narration, des indices semés parcimonieusement,  suggère un dénouement douloureux et inéluctable.  J’ai souvent songé à “Il faut qu’on parle de Kevin” de Lionel Shriver  lors de cette lecture, car peu d’auteurs donnent la parole aux parents de meurtriers (ou présumés meurtriers) et ces deux histoires y arrivent, en dégageant toute la détresse vécue par les proches.

Défendre Jacob est parfait pour les amateurs d’intrigues judiciaires, l’action se déroulant principalement en cour.  L’auteur ne se prive pas de faire, au passage, quelques commentaires sur le système pénal américain.

Sur l’auteur : Diplômé de l’université de Yale, il fut procureur adjoint avant de se tourner vers l’écriture. Il vit aujourd’hui à Boston.  Un autre titre est disponible en français Boston Requiem paru chez Robert Laffont en 2005 et qui a reçu le prestigieux prix John Creasey Dagger du premier roman policier, pour la version anglaise, en 2003.
texte de Grenouille Noire

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Traduit du norvégien par : Alexis FOUILLET
Titre original : La de små barn komme til meg
(Folio Policier - Gallimard)
 
À quelques jours de Noël, un sans-abri est sauvagement attaqué après avoir été drogué. Laissé pour mort, il survivra pourtant avec une jambe en moins, son agresseur l’ayant prélevée comme butin. L’enquête est bâclée, personne ne se souciant vraiment d’élucider cette attaque peu banale sur un pauvre clodo.
Un an plus tard, toujours en décembre, un acteur acclamé pour son rôle de Joseph, au théâtre, disparaît en ne laissant derrière lui pour toutes traces que ses viscères… Comme point de départ d’une enquête de disparition, l’inspecteur Likke et son équipe n’ont encore jamais travaillé avec de tels indices.
Puis, c’est au tour d’une jeune religieuse de se volatiliser, et ensuite un âne est aussi porté disparu. Chaque fois, leurs entrailles sont cependant retrouvées… Le tableau se précise : quelqu’un cherche à reconstituer une crèche grandeur nature et, en cette veille de Noël, Likke est convaincu que la prochaine victime ne peut être qu’un bébé naissant. Alors tout est mis en oeuvre pour protéger les maternités de la région.
Bien que j’ai deviné assez rapidement chez quel genre de spécialistes les recherches devaient se diriger, j’ai quand même pris plaisir à lire cette histoire bien rythmée et ponctuée de nombreux rebondissements. 
Il s’agit d’une première enquête de l’inspecteur Lykke et je crois que l’auteur l’a assez bien campé pour lui en offrir d’autres.
Sur l'auteur : Né en 1959, à Oslo (Norvège), Kjetil Try est publicitaire. "Noël sanglant" est son premier roman traduit en français.
Texte de Grenouille Noire

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C'est l'histoire de Lilia, 7 ans, qui par un soir d'hiver très froid, pieds nus et en robe de nuit, les bras couverts de pansements, va rejoindre son père, dehors, dans la neige. Elle ne l'a pas vu depuis plusieurs semaines mais ils ne se quitteront pas pendant plus de dix ans, tout le temps que durera leur cavale en Amérique pour échapper à la police et au détective privé engagé par la famille. Détective privé qui devient obsédé, au fil des ans, par la disparition de cette petite fille. À un point tel que sa femme le quitte et qu'il laisse sa propre fille, Michaela, livrée à elle-même avec ses rêves de devenir funambule, un héritage venu de ses parents, anciens forains qui ont bien du mal à devenir sédentaire.

Après une décennie d'errance, le père de Lilia décide que tout s'arrête au Nouveau-Mexique, et qu'il y fonde une nouvelle famille, avec la permission de sa fille. Elle essaie bien de s'habituer à cette stabilité mais s'aperçoit vite qu'elle ne peut pas s'arrêter définitivement, ni faire du "sur place". Alors elle reprend la route, seule. Elle a cependant l'impression constante d'être suivie. Elle remonte lentement vers le nord où tout a commencé. À New York, elle croise Eli, un éternel étudiant passionné de langues mortes. Lilia sort ensuite subitement de sa vie, mais lui, tombé amoureux, part à sa recherche. Une carte postale anonyme venue de Montréal lui indique la direction à suivre. Et c'est là, dans ce nord glacé, que Michaela lèvera le voile sur le passé de la fugueuse.

Un très bon roman noir. L'auteur excelle à créer ces atmosphères confinées de chambres de motels un peu miteuses, l'habitacle de la voiture, ou ces bibliothèques où se réfugient Lilia et son père pendant de brèves escales.

Quelques descriptions de la ville de Montréal et des allusions à la loi 101 sur la protection de la langue française au Québec laissent à penser que l'auteur n'a pas conservé de très bons souvenirs de son bref séjour en sol québécois. À moins qu'elle ne joue à fond la carte de l'anglophone qui se sent persécuté, pour les besoins de l'histoire.

Un récit qui néanmoins nous habite longtemps après avoir tourné la dernière page.

BIO: Emily St.John Mandel est née en Colombie-Britannique, a étudié la danse à la School of Toronto Dance Theatre, et elle a vécu brièvement à Montréal, avant de se relocaliser à Brooklyn, où elle habite présentement. Dernière nuit à Montréal est son premier de trois romans.

texte de Grenouille Noire

 

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Titre original : GONE GIRL
Traduction de : Héloïse Esquié
Éditions Sonatine

Un court résumé de cet excellent bouquin dont Jacques a fait un brillant compte rendu il y a quelques semaines. Ne manquez pas d’aller le lire. Je ne peux qu’abonder dans le même sens.

Amy Dunne disparait le jour de son cinquième anniversaire de mariage et selon toute vraisemblance, cela ne s’est pas fait sans violence. À première vue, son union avec Nick est idyllique et ils forment un couple particulièrement bien assorti. Avant de disparaître, elle a eu le temps de semer les indices de leur chasse aux trésors annuelle pour célébrer leur anniversaire. Indices qui en réalité se retournent contre son mari et lui font porter bien vite le masque de suspect numéro 1. D’un chapitre à l’autre, l’auteur nous fait découvrir les différentes facettes d’un mari injustement accusé, mais pas complètement innocent non plus, et d’une femme qui se présente en victime mais qui s’exerce depuis son plus jeune âge à mystifier son entourage.

Un récit machiavélique sur l’art de la manipulation très habilement présenté tout à tour du point de vue masculin et féminin.

Public cible : pour tous les amateurs de suspense psychologique et si vous avez aimé Jusqu’à la folie de Jesse Kellerman.

L'auteur : Gillian Flynn est américaine, elle a été critique de télévision pour Entertainment Weekly. Elle signe ici son troisième roman après Les lieux sombres et Sur ma peau.

texte de Grenouille Noire

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Titre italien original : Prigione con piscina
Traduction de : Marianne FAUROBERT
Éditions Liana Levi

Pour prolonger un peu la belle saison, je vous suggère cette traduction, de l’italien, qui ne se présente pas comme un polar, au premier abord.

C’est l’été, à Rome, à la villa Magnolia, riche oasis pour gens fortunés. En ce mois d’août caniculaire, il fait bon prendre le frais au bord de la piscine, lieu d’échange de tous les ragots du coin. Et il y a justement matière à alimenter les discussions des anciens depuis l’arrivée de ce nouveau locataire, Rodolpho Raschiani. Mystérieux, doté d’un grand magnétisme, il ne tarde pas à se rendre indispensable auprès de ce club très fermé, en rendant des services bien spéciaux aux uns et aux autres. Les atroces cicatrices qui lui zèbrent le dos ne réussissent pas à inquiéter sa galerie d’admirateurs et contribuent plutôt à augmenter sa cote.

Même Filippo se laisse prendre à son jeu. Réputé sociologue, retraité depuis qu’il est coincé dans un fauteuil roulant à la suite d’un accident de moto, bien peu de choses avait jusqu’ici réussi à le sortir de sa torpeur malgré les efforts d’Isidro, son fidèle majordome, pour l’ancrer dans sa nouvelle vie.

En fait, la villa Magnolia est une prison dorée pour Rodolpho, où il est assigné à résidence comme témoin important d’un procès impliquant la mafia. Elle l’est aussi devenue pour Filippo. L’un et l’autre échafaudent pourtant des plans pour faire le mur, mais de nature fort différente.

Une histoire bien menée, une description fine et moqueuse de ce cercle de bien-nantis, la chaleur de l’été romain et la description de certains repas bien arrosés contribuent à faire de ce roman “à intrigues”, une surprenante et très divertissante lecture.

Sur l’auteur: Luigi Carletti est journaliste et travaille dans de nombreux quotidiens du groupe L'Espresso. Il est l'auteur de cinq romans, dont Prison avec piscine, son plus récent mais le premier traduit en français.

texte de Grenouille Noire


 

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Titre original : The Brothers Sisters
Traduction de : Emmanuelle Aronson
(Editions Alto)


Charlie et Elie Sisters sont les hommes de main du Commodore, l’homme le plus influent d’Oregon City. Leur plus récente mission consiste à retrouver un dénommé Hermann Kermitt Warm, un inventeur de génie, accusé d’avoir volé leur patron. Aussi bien dire que les jours de M.Warm sont comptés car les frères Sisters ont la réputation de toujours respecter leurs contrats. Partis à sa recherche, ils descendront la côte Ouest jusqu’en Californie où la ruée vers l’or bat son plein. 

Chemin faisant, et au fil de leurs rencontres, Elie remet en question sa «profession» de moins en moins compatible avec son tempérament doux. Mais il hésite à briser le tandem qu’il forme avec son frère qui ne partage pas ses récents états d’âme.

Ils retrouveront bien sûr Warm mais n’honoreront pas le contrat les liant au Commodore, tant la personnalité et la trouvaille du fugitif viennent perturber leur habituelle éthique de travail.

Si vous êtes convaincus que le style western ne peut vous accrocher, laissez-vous tenter par celui-ci car il transcende les conventions du genre. L’auteur place ses protagonistes dans des situations à la limite du loufoque, et les fait s’exprimer dans une langue châtiée qui lui permet de décrire les scènes les plus violentes avec détachement et désinvolture, dans une suite de courts chapitres très rythmés et efficaces à la fois sombres et hilarants. 

Pour les amateurs du type d’humour noir des frères cinéastes Joël et Ethan Coen, ou encore de Quentin Tarantino. Aussi comparé à Cormac McCarthy, l’humour et le côté picaresque en plus.

L’auteur : Patrick de Witt est natif de l’île de Vancouver. Il a travaillé comme ouvrier agricole, plongeur et barman. Les frères Sisters est son deuxième roman, après Ablutions paru chez Actes sud en 2010. En cours de traduction dans 27 pays.

texte de Grenouille Noire


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La nouvelle contribution de GRENOUILLE NOIRE


Allmen et le diamant rose
Martin SUTER
(Christian Bourgois éditeur)
Titre original: Allmen und der rosa Diamant (Allmen and the Pink Diamond)
Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni

Depuis les débuts des chroniques de la Grenouille Noire, je vous ai présenté des auteurs de l‘Afrique du sud, de  l’Espagne, la Nouvelle-Zélande, la France, les Etats-Unis, la Norvège, l’Angleterre et le Québec.  Alors pourquoi pas, un auteur suisse aujourd’hui?
Il y avait une éternité que je n’avais lu un polar à la facture aussi classique.

Johann Friedrich von Allmen est un gentleman cambrioleur appartenant à la haute bourgeoisie de Zurich.  Ayant dilapidé la fortune familiale, il ne s’habitue pas à la précarité de sa nouvelle situation financière et conserve des habitudes de grand seigneur vivant très largement au-dessus de ses moyens.  Ayant fondé avec son majordome Carlos, une agence de détective, il se voit confier la mission de retrouver un bijou de grande valeur ayant disparu lors d’une soirée mondaine.  Choisi sur les résultats concluants de sa première enquête (Allmen et les libellules), Allmen compte bien sur ce contrat pour remettre les finances de l’agence à flot.

Il se rend vite compte qu’ils ne sont pas seuls sur le coup.  Mais ils seront les premiers à dépister le suspect, le russe Sokolov, dans un hôtel luxueux de la Baltique qui convient parfaitement aux goûts du patron.  Et ils ne mettront pas longtemps à comprendre que le diamant rose n’est pas vraiment l’enjeu de la course.

On se demande bien comment ces deux-là en sont venus à monter une agence de détectives tant ils font preuve d’une désinvolture en toute chose frôlant l’inconscience.  Surtout qu’on devine que la partie adverse joue plutôt dans les grandes ligues.

Une bonne première partie quand il s’agit du repérage et de l’approche du suspect.  On perd un peu l’intérêt quand on tombe dans les magouilles de finance internationale qui contribueront toutefois à regarnir le bas de laine d’Allmen.

Une lecture facile d’été au charme suranné, à l’humour très ‘british’ bien que l’auteur soit suisse.

Sur l’auteurMartin Suter est un écrivain suisse alémanique d'expression allemande.  Il a travaillé dans la publicité et se consacre à l’écriture depuis 1991.  Il a reçu le Prix du premier roman étranger en 1998 pour son roman Small World  (Je n’ai rien oublié chez Points) aussi adapté au cinéma, en 2011.

Autres titres de l’auteur:

La face cachée de la lune / Points
Un ami parfait / Points
Le diable de Milan / Points
Le cuisinier/ Points Seuil (policier)
Allmen et les libellules / Christian Bourgois éditeur (policier)
Lila, Lila / Points

texte de GRENOUILLE NOIRE








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Titre original : Spoor
Traduit de l'Afrikaan par : Martin DORST
In English: Trackers

Idéal pour partir en vacances que ce pavé de 722 pages. Ne vous laissez surtout pas décourager car c’est un plaisir de retrouver Deon Meyer au sommet de son art.

Une histoire à trois volets où l’on retrouve quelques personnages connus tel Lemmer (Lemmer l’invisible) reconverti en garde du corps d’un convoi inusité de rhinocéros rares. jusqu’à une réserve privée d’Afrique du Sud. Convoi qui doit se rendre jusqu’à une réserve privée d’Afrique du Sud mais qui sera attaqué par un groupe fort bien informé de trafiquants qui recherche tout autre chose que des cornes de rhino. Ils laisseront Lemmer et ses comparses salement amochés.

Matt Joubert (Jusqu’au dernier) ancien policier du Cap, devenu privé, qui doit enquêter sur la disparition d’un homme à première vue sans histoire, mais qui menait une double vie.  Un Joubert qui accepte mal de devoir facturer ses services pour la moindre intervention et d’être empêché de poursuivre son enquête par manque de liquidité du client.

Et une nouvelle venue, Milla, femme au foyer de milieu favorisé, complètement dévalorisée par son mari et son fils qui la prennent pour acquise, mais qui décide de tout plaquer et de recommencer sa vie en coupant les ponts. Elle trouve d’ailleurs assez vite un travail de journaliste pour l’Agence présidentielle de renseignements, sans avoir de qualifications particulières, ce qui constitue un atout pour ses employeurs qui n’hésiteront pas à utiliser son inexpérience à leur profit et à ses dépens.

Bien qu’on se doute que les histoires des trois personnages finiront par se recouper, il est assez difficile de deviner où et quand tant la construction du roman est dense. Meyer, tout comme Henning Mankell, mais moins lourdement peut-être, nous livre au passage ses préoccupations sur le système politique de son pays et son positionnement sur l’échiquier mondial de la criminalité.

Un bémol peut-être sur le personnage de Milla qui passe un peu trop aisément du rôle de femme timorée  au statut d’une James Bond girl plutôt délurée. Autrement l’action est rondement menée et on sent que certains personnages pas tout à fait secondaires vont ressurgir dans une autre aventure.

Si vous souhaitez faire plus ample connaissance avec Deon Meyer, voici ses autres titres disponibles:

Les soldats de l’aube (Dead at Daybreak), L’âme du chasseur (Heart of the Hunter), Le pic du diable (Devil's Peak), Jusqu’au dernier (Dead Before Dying), Lemmer l’invisible (Blood Safari), Treize heures (Thirteen Hours).

BIO : Né en 1958, ancien rédacteur publicitaire, Deon Meyer est l'auteur unanimement reconnu de best-sellers traduits dans 15 pays, ils ont tous été publiés au Seuil et dans la collection Points pour le format poche. Meyer vit au Cap.
Vous pouvez le retrouver sur sa page web, sur Facebook, et Twitter @MeyerDeon

texte : Grenouille Noire




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(Actes Noirs/Actes Sud)

Titre original : La tristeza del Samurai
Traducteur : Claude Bleton

Espagne, hiver 1941. Une femme élégante attend le train pour Lisbonne avec son jeune fils Andrès, à la gare de Mérida. La fuite est son seul salut, car bien qu’elle soit en principe du côté des vainqueurs, le sombre complot visant à éliminer son mari, chef phalangiste, a échoué et elle n’attend aucune clémence de la part de ses poursuivants. Elle ne prendra jamais ce train et ne rentrera jamais à la maison. Son fils y retournera, seul, n’acceptant la séparation d’avec sa mère qu’avec la promesse d’un sabre japonais. Un véritable katana qui l’obsède depuis le récit des histoires de samouraïs qu’Isabel, sa mère, lui a racontées. Le précepteur de la famille sera accusé du meurtre d’Isabel, jugé et exécuté à la sauvette pour clore le dossier.

Quarante ans plus tard, Maria, une jeune avocate accepte la défense d’un homme sauvagement battu par un policier. Ramoneda, la victime, gît dans le coma à l’hôpital après que l’inspecteur Alcala l’ait séquestré et torturé pendant plusieurs jours pour lui faire avouer où il détient sa fille kidnappée. Maria réussit à le faire enfermer à perpuité. Cette affaire, qui a fait grand bruit, lance sa carrière et la décide à quitter son mari violent, pour Greta, sa collègue avocate.  Et si ce n’était de ses trop fréquentes migraines, tout serait parfait : reconnaissance professionnelle, belles autos, belle résidence, vacances de rêve.

Mais les parcours de Maria et de l’ex-inspecteur Alcala ont été tracés d’avance par des meneurs de jeu redoutables, venus d’un passé trouble et bien décidés à assouvir une vengeance longuement planifiée. Lorsqu’ils réaliseront qu’ils ont été manipulés, il sera peut-être trop tard pour stopper le déferlement de violence qui s’abat sur leurs familles respectives.

Un roman noir qui revisite les heures sombres du franquisme en décrivant ses dérives et les conséquences de ses pratiques haineuses. Le va-et-vient entre les deux périodes permet de lever progressivement le voile sur les rôles des différents protagonists, et la description de deux époques sonnent tout aussi juste l’une que l’autre.

Un premier roman d’un auteur qui a bien fait ses devoirs d’historien et a su rendre le passé douloureux d’une société espagnole encore habitée par des souvenirs peu glorieux.

Bio : Victor del Arbol est né à Barcelone, en 1968. Après avoir étudié l’Histoire, il travaille dans les services de police de la communauté autonome de Catalogne. Il est l’auteur de deux romans. Seul La tristesse du samouraï a été traduit en français pour le moment.

texte Grenouille Noire

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Frank Parrish est enquêteur à la police de New York. Son père a été un héros de ce corps policier dans les années 80 alors que le groupe d’élite qu’il dirigeait a réussi à bouter la mafia hors de Manhattan. Mais Frank n’a jamais eu la stature de son père. Il n’échappe pas au profil stéréotypé du flic qui a raté sa vie de couple, qui n’a pas vu grandir ses enfants et qui s’adonne trop à la bouteille. Il vient de perdre son partenaire, mort en devoir, et il doit se soumettre à une psychothérapie car il fait l’objet d’une enquête des affaires internes. Des séances qui lui permettent de sérieusement déboulonner son père de son piédestal. Car les méthodes pratiquées par les anges de New York, ainsi s’appellait la brigade spéciale anti-mafia, n’étaient pas très éloignées de celles des criminels qu’ils pourchassaient.

Parallèlement, sa vie d’enquêteur continue et il est chargé d’une affaire à première vue banale, le meurtre d’un petit “dealer” nommé Danny Lange. Une fin prévisible compte tenu de la feuille de route de la victime. Mais la mort de Rebecca, la jeune soeur de Danny, étonne Frank. L’adolescente sans histoire est retrouvée morte dans l’appartement crade de son frère dans un accoutrement provocant et fraîchement manucurée. Qu’est-ce qui a pu entraîner la mort du frère et de la soeur? Parrish ne croit pas au règlement de compte d’une affaire de drogue qui aurait mal tournée.

En fouinant dans l’entourage de Rebecca, il découvre qu’une autre adolescente de son lycée est morte étranglée quelques mois plutôt. Seul point commun entre les deux victimes, le Service à l’enfance qui les avait prises en charge à une époque de leur vie. Il entreprend alors une recherche sur tous les cas de disparition non résolues de jeunes filles âgées de 15 à 20 ans, au cours des 24 derniers mois; car il sent que ces histoires sont reliées et qu’un meurtrier en série sévit dans son district.

Ellory a choisi de réutiliser un canevas de construction semblable à celui de Vendetta, un précédent roman où il nous livrait une histoire de la mafia américaine époustouflante. La portion historique est à mon avis moins réussie, peut-être parce que le personnage du père m’était carrément antipathique.  C’est l’enquête menée par Parrish qui captive. On est derrière lui, prêt à cautioner tous ses écarts à l’éthique, pourvu qu’il réussisse à épingler l’ordure qu’il traque.

J’espère encore lire Ellory longtemps en espérant qu’il ne tombe pas dans la formule pré-fabriquée.
(Les Anges de New York est disponible aux Editions Sonatine)  

BIO: R.J. Ellory est né en 1965, en Angleterre. Après avoir connu l’orphelinat et la prison, il devient guitariste dans un groupe de rythm’n’blues, avant de se tourner vers la photographie. Après Seul le silenceVendetta et Les AnonymesLes Anges de New York est son quatrième roman publié en France par Sonatine Éditions. Il a gagné le Prix des libraires du Québec pour Vendetta. Il sera invite d’honneur au festival Les Printemps Meurtriers, qui aura lieu à Knowlton, QC, du 18 au 21 mai. Vous pourrez aussi le rencontrer à la librairie Chapters du centre-ville de Montreal, le 15 mai prochain, de midi-trente à 13 h 30.

Texte de Grenouille Noire








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C’est un inspecteur Lessard amaigri, tentant de mieux s’alimenter et de couper la cafféine, qu’on retrouve dans cette deuxième histoire après “Il ne faut pas parler dans l’ascenseur”. Il est séparé et vit avec son fils. La colocation ne se passe pas sans heurts et son moral en souffre. D’autant plus que sa dernière conquête vient de lui signifier son congé.

Appelé sur les lieux d’un drame familial où un père a massacré sa famille avant de se suicider, Lessard remarque une quantité inhabituelle de mouches dans l’appartement des victimes. Un jeune témoin de l’immeuble voisin dit avoir vu ces mouches et aussi un prêtre dans la cour, la nuit des meurtres. Que venait faire un prêtre sur les lieux du crime?

La scène a de quoi déranger le plus chevronné des enquêteurs et Lessard ne peut empêcher des souvenirs très personnels de refaire surface. Il est le seul rescapé d’un coup de folie de son père qui a décimé toute sa famille. Dans les moments de déprime de l'enquêteur, son petit frère Raymond revient à l’occasion lui tenir compagnie;  Lessard ne s’est jamais pardonné d’avoir survécu à ce drame. Le fait d’enquêter sur une histoire similaire le remue plus qu’il ne le voudrait et son supérieur finit par le mettre au repos lorsqu’il veut pousser les recherches au-delà des premières constatations. La théorie des meurtres suivi du suicide ne le satisfait pas et, se fiant à son instinct, il décide quand même de poursuivre l’enquête avec l’aide de contacts privilégiés à l’intérieur de l’escouade. Il s’aperçoit cependant assez vite qu’il n’est pas seul en piste.

Pendant ce temps, son ancienne co-équipière Jacinthe Taillon, qui voue à Lessard une haine véroce depuis la mort de deux autres partenaires, essaie de retrouver une jeune fille kidnappée en pleine rue, devant témoins. Taillon blâme Lessard pour le décès des deux policiers mais, contre leur gré, les deux enquêteurs n’auront d’autre choix que de travailler encore ensemble.

Quels liens unissent cette jeune femme aux membres de la famille assassinée pour que les pistes suivies par Lessard le conduisent à sa délivrance inopinée? Les deux intrigues sont menées de front avec aplomb sans qu’on devine leurs aboutissements. Des personnages qui prennent de plus en plus de consistance et qu’on espère voir évoluer encore dans d’autres épisodes. L’auteur nous ballade d’une époque à l’autre et d’un bout à l’autre de la province avec un grand respect de la chronologie et de l’histoire. Malgré de mineures incongruités au niveau des détails de l'enquête, Michaud démontre une grande patience dans le contrôle du récit; son écriture fluide se lit bien et se fond à l'histoire sans tenter de nous en mettre plein la vue. On en a déjà suffisamment à se mettre sous la dent. 

Pour un auteur qui n'en est qu'à son deuxième roman, l'avenir est très prometteur et Michaud n'a pas fini de nous impressionner. Un autre polar réussi pour Martin Michaud et une maison (Éditions Goélette) à suivre pour son volet  “noir”.  

Martin Michaud  pratique le droit depuis plus de 16 ans et il tente maintenant d’écrire à temps plein. Il vit dans le même quartier que Victor Lessard depuis plusieurs années et aimerait remonter sur scène avec son groupe rock sous peu. Un gars bien occupé! Vous pouvez le suivre sur Facebook et le visiter virtuellement à son site

La chorale du diable est paru à l’hiver 2011 et a remporté le prix du meilleur roman au Festival de St-Pacôme.

texte Grenouille Noire et JF

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Aurora, Minnesota
W. Kent Krueger
Titre original : Iron Lake
Traduction de Philippe Aronson
(Éditions Cherche-Midi)

Un jeune camelot disparaît par une froide journée de blizzard après avoir fini sa livraison de journaux. Le dernier client de sa tournée, le juge d’Aurora, est retrouvé mort et tout porte à croire qu’il s’est suicidé. A moins qu’il ne s’agisse d’un meurtre maquillé dont Paul, le camelot, aurait été témoin malgré lui, ce qui expliquerait sa disparition subite. C’est du moins ce que croit Cork O’Connor, ancien shérif d’Aurora, qui tente de retrouver le garçon.

A la suite d’une manifestation sur les droits de chasse des autochtones, Cork a été démis de ses fonctions de shérif.  Un de ses amis et un manifestant ont trouvé la mort cette journée-là à la suite d’une bavure et O'Connor s’en remet très difficilement. Il vit séparé de sa femme et de ses enfants et s’occupe à de petits boulots.  C’est par amitié pour la mère du jeune camelot qu’il accepte de fouiner aux alentours.

Un vieil indien le met en garde contre le Windigo qui aurait proféré son nom ainsi que ceux de quelques personnages louches de la région. On ne rigole pas avec le Windigo, ce géant au cœur de glace, qui sort de la forêt pour dévorer ses proies non sans les avoir identifiées au préalable.

Étant irlandais par son père et indien anishnabe par sa mère, Cork a du respect pour les croyances du peuple.  Mais ses années d’expérience dans la police de Chicago et à Aurora lui ont surtout démontré que les manigances des hommes sont plus souvent à l’origine des tragédies humaines que le fait des fantômes de la forêt.

Une visite inattendue et plutôt musclée, au chalet qu’il habite depuis sa séparation, lui confirme que son enquête dérange. Mais la liste des victimes du Windigo s’allonge sans que O'Connor n’arrive à établir de liens entre elles et il sent le souffle glacé du Wendigo dans son cou.

Je ne saurais expliquer pourquoi le roman nordique me plait autant : le décor, le froid, la neige, l’isolement dû aux tempêtes, le tempérament casanier des habitants. Krueger sait bien rendre ce climat d’austérité qui ne pardonne pas et qui façonne des personnalités fortes et rudes. Il nous amène à changer d’opinion sur les différents protagonistes tout au long du récit et nous ballade d’un suspect à l’autre à son gré. Très bon rythme et une finale qui laisse des blessures profondes, pas forcément raccommodables.

Une première traduction des enquêtes de Cork O’Connor qui sera, je l’espère, suivie de plusieurs autres. Il y en a déjà 11 en version originale. 

Récipiendaire d’un Anthony Award et d’un Barry Award aux États-Unis (où il est connu sous son nom complet de William Kent Kruger) pour le meilleur premier roman policier de 1999, Kruger a aussi remporté deux autres Anthony Awards en 2005 et 2006 pour Blood Hollow et Mercy Falls, des titres de la série Cork O’Connor.
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Le chinois
Henning Mankell
traduction : Rémi Cassaigne
Titre original suédois : Kinesen
(Éditions Seuil Policiers)

Un début époustouflant. Un village entier du nord de la Suéde est décimé à l’arme blanche, à l’exception de trois personnes. On se dit que Mankell n’a pas perdu la main et que malgré la mise au rencart de son inspecteur Wallender, il connait la recette pour ce qui est d’appâter ses lecteurs.

Deux femmes mènent l’enquête : Vivi Sundberg, une policière de la petite ville voisine du lieu du massacre, et une juge d’instruction, Birgitta Roslin, qui reconnait le nom de certaines victimes. Il s’agit des parents de sa famille d’adoption. Comme elle se trouve en convalescence pour cause de surmenage, elle décide de se rendre sur place. Le village est fermé au public pour fins d’enquête, mais elle réussit à glaner quelques informations sur un mystérieux chinois qui aurait résidé à l’hôtel voisin, la veille du crime. Un ruban rouge a été retrouvé près d’un cadavre, semblable à ceux qui décorent les lanternes du seul restaurant chinois de l’endroit. Pour la policière, il s’agit de l’oeuvre d’un désaxé. La juge pense plutôt à un règlement de compte. Munie d’une image floue captée par la caméra de surveillance de l’hôtel, Birgitta décide d’accompagner une amie à un congrès à Pékin.

A ce stade du roman, l’enquête est mise en veilleuse. On se transporte en Chine autour de 1860. Pour fuir la misère de la campagne, San et ses frères tentent de rejoindre la ville. Ils sont kidnappés et emprisonnés sur un navire en partance pour l’Amérique où ils serviront de main d’oeuvre bon marché pour la construction d’un chemin de fer, sous la férule d’un contremaitre suédois tyrannique. Seul San réussira à revenir en Chine, mais avec la rage au coeur et une volonté inébranlable de venger sa famille.

J’ai beaucoup aimé ces deux premiers pans de l’histoire. Mais il devenait facile de deviner qu’un descendant de San avait réussi la mission de vengeance transmise de génération en génération. S’ensuit l’enquête un peu maladroite de la juge, à Pékin, cette mégapole où il est difficile de croire qu’une personne seule, sans contact, réussit à créer la panique auprès des autorités après avoir montré une photo floue à un quidam sur la rue. L’auteur nous promène ensuite en Afrique, au Danemark, en Angleterre, toujours en rapport avec ce mystérieux homme d’affaires chinois qui sert les visées expansionnistes de la Chine, et qui semble prêt à tout pour en prélever au passage des dividendes. Cette portion du roman alourdit considérablement l’intrigue. Mankell a voulu nous faire part de ses craintes face au réveil de la Chine et à son entrée agressive sur le marché mondial, tout comme il dénoncait à une époque les dérapages du système socialiste suédois. On aime son engagement social, mais l’amalgame avec l’intrigue policière n’est pas au point cette fois-ci, et on perd de l’intérêt à mesure que l’histoire avance.

Je retrouverais avec plaisir ses deux nouveaux personnages féminins, un peu plus étoffés tout de même, surtout la policière. Un Mankell moyen mais un Mankell quand même avec sa grande qualité d’écriture.

Né en 1948, Henning Mankell partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de nombreux prix littéraires. Outre sa célèbre série Wallander, il est l'auteur de romans sur l'Afrique ou de questions de société, de pièces de théâtre et d’ouvrages pour la jeunesse.

texte de Grenouille Noire


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Jusqu'à la folie
Jesse KELLERMAN
(Flammarion Québec)
traduction : Julie Sibony
titre original :  Trouble
Jonah Stem est étudiant en médecine à New York.  Il termine un stage exténuant et il passe une partie de ses temps libres à tenir compagnie à Hannah, son ex-copine qui souffre d’une dépression sévère.  Sorti prendre l’air après un service de plus de 16 heures, il est témoin d’une agression dans une ruelle jouxtant l’hôpital : un homme armé d’un couteau attaque une jeune femme.  Il y a du sang, elle a déjà été blessée.  Il se précipite et, dans l’altercation qui s’ensuit et sans qu’il sache trop comment, il frappe l’agresseur et le tue.  Les journaux du lendemain parlent du super-doc qui a sauvé la vie d’une certaine Eve Gones.  La victime était connue des services sociaux et de la police pour ses comportements instables, voire dangereux.
La vie et les études reprennent tant bien que mal pour Jonah.  Un nouveau stage éprouvant où son directeur prend un malin plaisir à le rabrouer et à l’humilier publiquement.  Sa route croise à nouveau celle d’Eve, dans une librairie du quartier, puis à quelques autres reprises. Bientôt une aventure sulfureuse naît entre la rescapée et son sauveur.  Mais très vite Jonah s’aperçoit qu’ Eve veut imprimer un caractère sado-maso à leur relation, ce qui ne lui plaît pas du tout.  Il veut rompre mais Eve n’est pas de cet avis et elle va commencer à lui rendre la vie infernale.
La trame n’est pas sans rappeler “Fatal Attraction” d’Adrian Lyne, interprété par Michael Douglas et Glenn Close. Comment peut-on se défaire d’une empoisonneuse de vie toujours à la limite du comportement illégal que la police pourrait sanctionner mais qui ne franchit jamais cette limite?
Kellerman réussit à nous faire sentir le désarroi et l’impuissance de Jonah dans cette relation malsaine menée de main de maître par une virtuose de la manipulation. On se demande jusqu’à la fin comment il pourra retourner la situation à son avantage. Deuxième roman traduit de l’auteur de Visages, bien qu’il s’agisse d’une oeuvre antérieure.
Jesse Kellerman: Né en 1978 à Los Angeles, il est écrivain et dramaturge. Fils des écrivains de best-sellers Jonathan et Faye Kellerman, il a étudié la psychologie à Harvard, avant de se consacrer entièrement à l’écriture.

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titre original: Blood Men
traduit de l'anglais par : Fabrice POINTEAU
(Editions Sonatine) Disponible 13 octobre 2011

Quelle est la part de l’inné et de l’acquis pour l’enfant qui grandit avec le souvenir d’un père aimant enlevé à sa famille, menottes aux poignets et dévoilé aux yeux de tous, comme étant le pire tueur en série que le pays ait jamais connu?

Edward Hunter semble avoir trouvé sa place dans la société de Christchurch, Nouvelle-Zélande.  Après une enfance brutalement interrompue par l’emprisonnement de son père, reconnu coupable de meurtres de prostituées, et par le suicide de sa mère et l’overdose de sa soeur aînée, il a réussi à faire oublier son passé à son entourage.  Il est devenu comptable, est heureux en ménage et a une adorable petite fille.

A quelques jours de Noël, alors qu’il attend son rendez-vous pour un prêt à la banque avec sa femme Jodie, son destin va basculer et la noirceur passée refaire surface.  Un braquage, un  groupe d’hommes armés investissent la banque. Edward tente d’empêcher une prise d’otage et au lieu d’enlever l’employée de banque, c’est Jodie qui est entraînée jusque sur l’esplanade de la banque et abattue sous les yeux de son mari.  En un clin d’oeil, la vie rêvée d’Edward tourne au cauchemar.

Tourmenté à l’idée d’être la cause directe de la mort de sa femme pour avoir voulu jouer les héros, il essaie inlassablement de reconstituer la scène pour trouver des pistes le menant aux tueurs.  C’est à ce moment que son père, incarcéré depuis vingt ans cherche à reprendre contact avec lui, pour soi-disant l’aider dans sa traque.  Il est vrai que les relations qu’il a pu se faire en vingt ans de tôle, peuvent s’avérer utiles dans ce genre d’affaire. 

Malgré la répulsion qu’il lui inspire, Edward accepte de visiter son père à la prison.  Il en ressort bouleversé mais en possession d’un nom.  La chasse peut maintenant commencer et c’est guidé par cette voix intérieure, qui le conforte dans ses décisions, qu’il entreprend le grand nettoyage.  La même voix qui l’avait aidé à se débarasser du chien du voisin quand il avait 9 ans et qui est revenue l’habiter depuis que Jodie est partie.  Son père aussi obéissait à une voix qui lui intimait de tuer les femmes de mauvaise vie.  Alors je vous le redemande, quelle est la part de l’inné et de l’acquis chez cet aspirant tueur en série?

Un deuxième roman mieux abouti que le premier (Un employé modèle) qui comportait des longueurs.  Un rythme soutenu, l’intrigue se déroulant sur une semaine et des personnages crédibles.  Pas encore disponible en anglais de ce côté-ci du globe.  Une belle trouvaille chez Sonatine, une maison d’édition qui construit bien son catalogue.

Paul Cleave est né à Christchurch le 10 décembre 1974. Il habite Christchurch, Nouvelle-Zélande, où se situent ses romans. Pour autant qu'il puisse se souvenir, il a toujours voulu être écrivain. Ses contes rédigés à l'école inquiétaient ses professeurs et ses bulletins disaient qu'il y avait une place pour ce genre de récit -- mais pas à l'école. À dix-neuf ans, Paul Cleave rédige ses premiers romans qui ne quitteront jamais son tiroir. À vingt-quatre ans, il écrit The Killing Room, et The Cleaner (Un employé modèle} l'année suivante, qui finit par être publié six ans après sa rédaction, en 2008. Il devient un des plus gros best-sellers jamais venu de Nouvelle-Zélande, aussitôt acheté dans plusieurs pays. *tiré d’Amazon.com et fourni par l’auteur ou son agent.

CONCOURS: Envoyez-nous un courriel au housecrimyst@gmail.com pour avoir la chance de remporter une copie de ce livre. Ouvert aux résidents du Canada et de la France (si vous avez 18 ans et plus). Aucun achat nécessaire. Date limite, 8 octobre, midi (heure de Montréal).




 

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Titre original : Mr Clarinet (2006)
Traduction de : Marie Ploux et Catherine Cheval

C’est en fouillant dans ma réserve de format poche, avant de partir en vacances, que je suis tombée sur ce titre. C’est souvent en vacances que je prends le temps de revenir en arrière vers les titres de la pile “quand j’aurai le temps”. Et je ne regrette pas d’avoir gardé celui-là.

D’abord j’ai aimé le nom du détective : Max Mingus. C’est court, ça claque, c’est efficace. Max est un ex-flic de Miami, reconverti en détective privé ayant fait de la prison pour règlement de compte. Il a su se faire respecter des plus durs en prison. Sandra, sa femme, a organisé sa sortie de prison : tour du monde pendant un an avec les économies réalisées pendant qu’il était à l’ombre, histoire de faire le vide et de repartir à neuf. Sauf qu’à quelques semaines de sa sortie, Sandra meurt dans un accident de voiture. Il n’y a plus rien ni personne pour lui au-delà des murs. Hormis peut-être un contrat de plusieurs millions pour retrouver un enfant disparu à Port-au-Prince depuis plusieurs mois déjà. Un enfant parmi des centaines qui disparaissent chaque année sur cette île oubliée des dieux. Un moyen de s’occuper l’esprit et de se refaire. Mais si la prime est aussi alléchante, c’est que la cause est probablement sans issue. D’ailleurs, les enquêteurs qui l’ont devancé y ont laissé sinon leur vie, du moins quelques morceaux. Aucune rançon n’a été demandée, alors que la famille du disparu, les Carver, constitue la plus grosse fortune de l’île. Une fortune érigée par le grand-père Gustav de façon pas toujours très nette et qui lui vaut bien des inimitiés.

Quel peut être le sort réservé à ces trop nombreux enfants disparus au pays de la magie noire et de Tonton Clarinette, ce croque-mitaine que les gamins apprennent à craindre dès leur plus jeune âge? A moins que le vaudou et les rites sacrificiels ne servent de camouflage à une machination plus diabolique encore.

L’histoire se déroule avant le terrible tremblement de terre qui a ravagé Haïti en 2010. L’auteur réussit très bien à nous faire sentir toute la misère et la précarité de la vie des haïtiens même avant le séisme.  La description de Cité Soleil est particulièrement évocatrice. Il est difficile d’imaginer pire et pourtant la nature s’est chargée d’enfoncer Haïti encore un peu plus…

L’auteur avance ses pions lentement et nous fait ressentir la touffeur écrasante de l’île. On progresse dans l’enquête à son rythme sans sauter d’étapes en s’imprégnant de la culture ambiante. Au passage, il réintroduit un personnage inquiétant qu’il avait réussi à faire emprisonner alors qu’il exerçait encore son métier de flic, mais qui a été libéré depuis et qui reviendra le hanter lors d’une prochaine histoire. 

Gallimard a publié au printemps dernier “Voodoo Land” (traduction de King of Swords -2007), qui se déroule en 1981 et semble être la première aventure de Mingus, alors qu’il était toujours policier à Miami. Tout comme Gallimard, je suis bien prête à miser sur cet auteur. Le troisième volume de la série a été publiée en anglais cette année sous le titre Voodoo Eyes. 

Nick Stone est né en 1966, d'un père historien et d'une mère issue de l'une des plus anciennes familles haïtiennes. Stone a remporté le prix Ian Fleming Steel Dagger en 2006 et le prix Macavity 2007 du meilleur roman pour Mr Clarinet. En français, Tonton Clarinette a remporté le Prix SCNF du polar européen 2009.

texte de Grenouille Noire










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LE ROYAUME DES VOLEURS
de William RYAN
traduit de l'anglais par Jean Esch
titre original The Holy Thief

Une nouvelle enquête est confiée à l’inspecteur Korolev, chef de la Milice locale. Le corps d’une jeune femme, qui s’avère être une religieuse américaine, a été retrouvée sans vie sur un autel, dans une église servant de lieu de rencontre pour la jeunesse communiste. 

La femme a été affreusement torturée et son exécution semble avoir été mise en scène avec une grande minutie. Un autre cas tordu pour cet enquêteur émérite qui, par égard pour ses excellents états de service, vient de se voir attribuer un appartement à partager. Ce qui constitue, dans cette période de restrictions absolues et de dénonciation, un grand privilège, et qui le changera grandement du partage d’un cagibi exigu avec son cousin. 

La découverte de ce cadavre semble intéresser la redoutée NKVD, chargée de contre espionnage et de contre-subversion, et Korolev s’étonne qu’on ne lui retire pas l’enquête. Un autre cadavre portant la même sinistre signature est bientôt découvert. Il s’agit cette fois d’un membre du clan des Voleurs, cette mafia russe qui semble pourtant au-dessus du tout puissant Parti. Qui peut bien s’en prendre à la mafia sans craindre de terribles représailles? Et puis par hasard, Korolev réussit à identifier une troisième victime en lien avec l’affaire, cette fois un enquêteur de la NKVD. 
Subissant de fortes pressions pour faire aboutir l’enquête, Korolev devra s’infiltrer chez les Voleurs. Et ce qu’il y découvrira ne sera pas sans conséquence sur sa perception du modèle communiste soviétique.
Bonne évocation du climat de terreur et de dénonciation qui régnait à l’époque de Staline. Personnages crédibles et attachants. L’auteur place ses pions pour une prochaine enquête.
Dans le même genre, j’ai toutefois préféré Tom Rob Smith pour Enfant 44 et Kolyma, parus chez Belfond.

texte de Grenouille Noire



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L'HYPNOTISEUR
de Lars KEPLER
traduit du suédois par Hege Roel-Rousson et Pascale Rosier
titre original Hypnotisøren

Même les enquêteurs les plus endurcis ont du mal à encaisser le spectacle des scènes de crime.   D’abord le père, retrouvé au centre des sports dans un bain de sang effroyable; puis à leur domicile, la mère et la plus jeune fille affreusement mutilées.  Seul Josef, le fils, a survécu à ses blessures mais il est en état de choc profond et incapable de communiquer. La fille aînée manque à l’appel et l’inspecteur Joona Linna doit faire vite s’il veut la retrouver en vie. Il contacte le docteur Bark, psychiatre spécialiste des traitements de traumas aigus, dans l’espoir qu’il acceptera de placer le survivant sous hypnose. Il y a plus de dix ans, une séance d’hypnose de groupe avait mal tournée et  il s’était juré de renoncer à cette pratique. Mais une vie est en jeu et il accepte de coopérer à l’enquête. La séance est un succès et il s’avère que Josef est l’auteur du carnage. Placé sous surveillance policière et bien qu’étant bien mal en point, il réussit à s’enfuir de l’hôpital en laissant quelques cadavres derrière lui.

Linna essaie de convaincre Bark d’accepter la protection de la police car le meurtrier n’a pas apprécié être démasqué par le médecin et il a juré de se venger. Les médias, mis au courant de son intervention médicale dans l’enquête, ont ressorti leurs vieux dossiers et le harcèlent. Et son mariage bat de l’aile. Quelques heures après la fuite de Josef, Benjamin, le fils hémophile de Bark, est enlevé dans leur appartement sous les yeux horrifiés de sa femme impuissante à réagir car elle a été droguée.

Est-ce que Josef, affaibli par ses blessures, a réellement pu enlever Benjamin? Ou faut-il aller chercher dans la pratique passée du psychiatre, un motif de vengeance?

Beaucoup de rythme et de rebondissements dans ce polar écrit à quatre mains par Alexander et Alexandra Ahndoril, connus sous le pseudo de Lars Kepler. Après un début déchaîné, le rythme ralentit lorsqu’on retourne fouiller dans le passé du psychiatre (la rupture de rythme est-elle voulue par les deux auteurs ou reflète-elle la différence de style entre les deux?). Mais l’histoire n’en souffre pas.

Une deuxième enquête de l’inspecteur Linna est parue en Suède à l’été 2010. Vivement sa traduction!  Dans la même collection Actes noirs que la série Millénium, mais la similitude s’arrête là.

texte de Grenouille Noire


             
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IL NE FAUT PAS PARLER DANS L'ASCENSEUR
de Martin MICHAUD
(Editions Goélette)

Dans un camp de chasse au nord de Montréal ronronnent deux congélateurs. Vides. Pour l’instant…Au mur, une paire de menottes solidement fixées. Le gibier espéré n’est donc pas du genre à gambader librement dans la forêt. La chasse est cependant commencée et une première victime est en route vers son sarcophage glacé.

Chemin faisant, le prédateur fait un arrêt dans la métropole, histoire de se délasser un peu car la route est encore longue. Un détour vers le quartier où travaille une de ses proies vient compromettre son plan méticuleux, car en apercevant sa future victime, il ne peut s’empêcher de foncer à toute vitesse sur elle. 

N’étant pas bien sûr de l’avoir heurtée mortellement, il se mêle à la foule des curieux après avoir stationné à quelques rues de son délit de fuite, histoire de vérifier s’il lui reste  un boulot à finir.  Cette deuxième entorse à son plan lui causera bien des soucis car son auto aura disparu  à son retour. Le contenu du coffre ne tardera pas cependant à empoisonner la vie des voleurs. Notre justicier ne se laisse pas démonter pour autant et réussit à éliminer  sa deuxième victime sans pouvoir cette fois récupérer le corps. L’inspecteur Lessard, qui enquêtait sur le délit de fuite, se voit confier l’enquête de ce récent meurtre.

Jusque là, un scénario assez classique. Mais lorsque l’auteur donne la parole à l’accidentée, l’histoire prend une direction inattendue et pourrait basculer dans l’improbable. Simone, la victime du chauffard, se relève à peine égratignée,  secourue par un passant qui l’a sauvée de la collision et accepte le café que ce dernier lui offre pour se remettre de ses émotions. Cet homme qu’elle n’avait jamais rencontré avant, sait beaucoup de choses sur elle et ils passeront ensemble une journée riche en émotions. Sauf qu’en réalité, Simone est dans le coma et gît sur un lit d’hôpital. Ses blessures ne lui seront pas fatales, mais seul son esprit a pu vagabonder dans un monde parallèle. A son réveil, elle décide de quitter précipitamment l’hôpital pour retrouver Miles, son bon samaritain, ce qui lui permet d’échapper au tueur qui est à ses trousses.

Attention au mélange des genres me direz-vous et je suis bien d’accord. Mais pourquoi pas quand il est fait de façon aussi habile et plausible.

Un premier roman parfaitement maîtrisé  et un auteur qui n’a pas peur d’intégrer du surnaturel à un canevas plus classique de roman policier sans perte de crédibilité. Une belle réussite.

L’auteur : Martin Michaud a 40 ans et est avocat au service du contentieux de Radio- Canada. Il a aussi fait partie d’un groupe rock. Son 2ième roman policier, La chorale du diable est paru à l’hiver 2011 et a remporté le prix du meilleur roman au Festival de St-Pacome.


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En France, on s'embrasse dans la rue
par George PELECANOS (2008)
(titre original "In France They Kiss on Main Street" --de la chanson du même titre, de Joni Mitchell)
(traduction de Jacques Filippi)
 (George Pelecanos)
Il y a quelques semaines, je suis allé en France pour la promo de The Night Gardener (Les jardins de la mort) qui venait d’être publié chez SEUIL. J’ai passé plusieurs jours à Paris pour rencontrer les médias et j’ai ensuite pris le train pour Lyon, où j’allais participer au festival Quai du Polar. Mon éditeur et ami, Robert Pépin, un gars intelligent et amusant, m’y accompagnait. Le voyage a été un franc succès au point de vue travail. De temps en temps, un auteur se doit d’aller dans les pays où il est publié pour rappeler aux gens qu’il est toujours là. En Europe, les évènements en librairies sont rares mais l’horaire avec les médias est intense. J’ai travaillé fort et je me suis aussi bien amusé.

A Paris, je logeais à l’hôtel Bel Ami, près du boulevard Saint-Germain, sur la Rive Gauche. J’y ai donné plusieurs entrevues, ainsi qu’au Café de Flore, tout près de là. Ce café est un endroit prisé par les intellos et artistes comme Sartre et Orson Welles, qui étaient des habitués de la place. Je ne suis pas un intello mais ils m’ont laissé entrer.

A Lyon, j’ai logé à l’hôtel Carlton, avec ses fenêtres qui vont du plancher au plafond, ses balcons, et son ascenseur à portillon avec banquette individuelle. Mon ami, le romancier britannique Mark Billingham, logeait là aussi; nous avons trinqué et bien rigolé, comme d’habitude. Le festival se trouvait à une longue mais plaisante balade à pieds de l’hôtel. Je participais à plusieurs panels qui, bien entendu, tournaient autour de la politique. Joe Lansdale, un gars affable, écrivain extrêmement talentueux et ceinture noire dixième dan, était de plusieurs de ces panels, tout comme le romancier Jake Lamar, un américain qui vit à Paris depuis environ seize ans. Les Français, malgré ce que les politiciens et animateurs-télé vous racontent (aux USA), ne sont pas « anti-Américains ». Pendant mon séjour, j’ai rencontré des marxistes, des modérés, et des droitistes. Leurs opinions divergent autant que les nôtres. Et les hommes ne sont pas des mauviettes. A mon retour à D.C., j’ai entendu un idiot à la radio qui se moquait des mâles français et qui remettait en question leur masculinité. Mais la plupart des mecs que j’ai croisés là-bas me semblaient suffisamment coriaces. En ce qui concerne le titre de ce texte, c’est la réalité, particulièrement à Lyon. J’ai vu plusieurs jeunes couples s’embrassant dans les cafés, appuyés aux murs, et dans les escaliers menant au Rhône; peut-être parce que ça sentait le printemps. Peu importe la raison, c’était beau.

Voici mon récapitulatif à la française :

FILMS

A l’hôtel Bel Ami, il y avait un bar et on y passait des films. J’ai été intrigué par «Touchez pas au Grisbi ». Je l’ai regardé deux fois au cours de la semaine (sans sous-titre, avec mon français rudimentaire) et je me suis promis de le trouver à mon retour aux États. Réalisé par Jacques Becker, qui mérite d’être plus célèbre, il s’agit d’un polar mélodramatique de gangsters. Dans le rôle principal, Jean Gabin, que je décrirais comme le John Wayne français, livre une excellente performance. Aussi de bonnes performances des acteurs de soutien René Dary et Lino Ventura, cet ancien boxeur qui débutait avec ce film une longue carrière au cinéma. La sexualité y est franche, les gonzesses sont merveilleuses (surtout la jeune Jeanne Moreau) et le dénouement est étonnamment touchant. La cinématographie en noir et blanc de Pierre Montazel, qui met en relief le Paris nocturne des années ’50, est superbe. Ce film a récemment été mis sur le marché par Criterion, avec sous-titres pour un visionnement plus agréable. En bref, c’est un panégyrique au code d’honneur, à la loyauté, et à un certain mode de vie.
Un soir où j’étais seul à Paris, je suis allé voir un film, « Lou Reed’s Berlin », réalisé pas Julian Schnabel. Si vous aimez Lou et son sombre chef-d’œuvre « Berlin » vous devez regarder ça. Le groupe est bien synchro, les chansons sonnent plus rock que sur l’original, et les choristes, de style gospel et traditionnel (dont l’impressionnant Anton, de Antony and the Johnsons) sont un ajout spectaculaire à l’ensemble.

RESTOS

Il y en a beaucoup, et franchement, ils étaient tous bons. Mais deux sortent du lot. A Lyon, c’était Abel (25, rue Guynemer) petit et rustique, une cuisine traditionnelle, riche (sauces crémeuses, pâtisseries aérées) qui définit la cuisine française. Mon dernier souper à Paris était au resto Le Train Bleu, construit au coeur de la gare de Lyon, en 1900. C’est un restaurant magnifique avec un bar spectaculaire, plusieurs salles à manger, des murailles, des sculptures, des peintures -toutes d’artistes de renom- et un décor de la Belle-Époque. Les serveurs sont attentionnés et transportent leurs plateaux au-dessus de leur tête. Une expérience qu’il faut vivre pour y croire, où la nourriture est formidable aussi. J’ai pris une douzaine d’huîtres, un filet à la sauce Béarnaise épaisse, des fèves vertes, quelques coupes de Château Labadoc (un Médoc 2002) et un dessert de crème glacée sur laquelle le serveur a versé du fudge chaud à l’aide d’un pichet. La nuit venue, j’ai dormi comme un bébé.



Au festival Quai du Polar, j’ai trouvé les affiches françaises de deux des films les plus influents de ma jeunesse : « La horde sauvage » (The Wild Bunch) et « Douze salopards » (The Dirty Dozen). La première est de l’artiste Ferracci et dépeint Holden, Oates, Johnson et Borgnine de dos, marchant vers leurs destins. La deuxième présente Lee Marvin flanqué de Jim Brown et Charles Bronson, équipés de mitraillettes, et Marvin avec des grenades à la ceinture. Les affiches sont maintenant accrochées chez moi et, à elle seule, cette trouvaille vaut le voyage en France. Merci, Monsieur Pépin.

LECTURES de VOYAGE

Pour ce voyage, j’ai choisi Fields of Fire de James Webb (note du traducteur : ce titre date de 1978 et n’est pas disponible en français). De l’avis de plusieurs, il s’agit du roman définitif sur la guerre du Vietnam et je n’ai pas été déçu. Pas aussi littéraire que A propos du courage de Tim O’Brien (un livre que j’adore) mais plus dans la veine de La ligne rouge de James Jones ou Les nus et les morts de Mailer. Une vision rude de la guerre, écrite par un vétéran décoré, Fields of Fire peut être apprécié des simples lecteurs autant que des profs d'université en littérature, ce qui est tout un accomplissement. Monsieur Webb, qui a été secrétaire de la Marine sous la présidence de Ronald Reagan, est maintenant sénateur démocrate de la Virginie. Son fils est présentement en mission en Irak.
-30-
Traduction de Jacques Filippi pour House of Crime and Mystery, avec la généreuse permission de l'auteur. Mes plus sincères remerciements à George Pelecanos.
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GAGNANT :
Pierre Marquez, de Montpellier en France. Bravo!
CONCOURS: Courez la chance de remporter une copie de LE LEOPARD de JO NESBO, numéro 8 de la très populaire série de l'inspecteur Harry Hole. Pour une chance de gagner, dites-nous quelle est la langue dans laquelle Jo Nesbo écrit ses romans. Envoyez votre réponse à housecrimyst@gmail.com avant 23 h 59 (heure de l'est) le 30 avril 2011. Concours ouvert à tous les résidents (humains) de la planète, agés de 18 ans et plus.

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FAKIRS
de Antonin VARENNE  

Le commissaire Guérin et son adjoint Lambert sont chargés d’enquêter sur la mort d’un artiste de la scène spécialisé dans le fakirisme qui aurait mal ou trop bien évalué les risques de son numéro, selon que l’on soit adepte de la théorie de l’accident ou du suicide. C’est que la victime, ancien marine américain, homosexuel et héroïnomane, passait par une de ses périodes de profonde déprime. Il avait aussi du mal à régler ses fournisseurs de drogue.
Pour les deux enquêteurs, cette histoire vient se greffer à une série de “suicides” peut-être “assistés” par un couple qui se retrouve toujours sur ou à proximité des lieux du crime. Mais il est difficile de mener à bien ses enquêtes quant on est relégué à un département placard et stigmatisé par une histoire de dénonciation de collègues, même si le bon droit est de votre bord.
Le meilleur ami du fakir, John, éternel étudiant en psychologie comportementale, qui bivouaque dans le sud de la France, sur un terrain qui servait autrefois de refuge à sa baba cool de mère et à sa commune hippie, ne croit pas à la thèse du suicide. Il monte à Paris pour l’identification du corps et mène sa  propre enquête qui semble déranger  passablement autour de lui. Un ancien taulard recyclé en gardien de parc lui viendra en aide un peu malgré lui.
Une intrigue policière bien menée, doublée d’un roman noir, avec des personnages singuliers et attachants tel ce Guérin qui s’écharpe le crâne au sang dans les moments de grande tension et dont le comportement déteint sur son seul ami, Churchill, un perroquet qui par mimétisme, s’arrache les plumes. Une description d’un Paris underground plutôt glauque, à mille lieux des circuits touristiques traditionnels.

Biographie de l’auteur:
Né à Paris en 1973, diplômé de philosophie, Antonin Varenne a parcouru le monde avant de revenir en France pour se consacrer à l'écriture. Fakirs a reçu le prix Michel-Lebrun 2009.





Du même auteur:
Le gateau mexicain (Editions Toute Latitude) 2007
Le mur, le Kabyle et le marin (Viviane Hamy) mars 2011
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MELANGES DE SANGS
de Roger SMITH  
traduit de l'anglais par Robert Pépin
titre original MIxed Blood

Qu’ont en commun un Américain en cavale avec sa femme enceinte et leur jeune fils; un ancien criminel recyclé en gardien de nuit; un flic épouvantablement corrompu jusqu’à la moelle et un détective zoulou qui tente par tous les moyens de le coincer? Ils sont les protagonistes de ce violent roman sud-africain, le premier de son auteur à être traduit en français.
Smith, un scénariste et réalisateur sud-africain, a concocté une intrigue labyrinthe relevée et étonnante où une surprise n’attend pas l’autre. C’est un roman dur et violent qui ne laisse aucune place aux sentiments, le ton étant maintenu dès la première scène. Ames sensibles s’abstenir.
L’action a lieu à  Cape Town, une des villes où le taux de criminalité est le plus élevé au monde, où les viols, meurtres et enlèvements d’enfants (souvent les 3 en même temps) sont une chose tellement commune que les laissés-pour-compte, les pauvres, ont depuis longtemps accepté la situation comme faisant partie de leur quotidien, alors que les riches vivent en sécurité dans leurs enclaves gardées. Les actes criminels dévoilés par l’auteur peignent un tableau affligeant de cette ville, et aussi de ce pays qui tente toujours de se reconstruire moins de 20 ans après la fin de l’Apartheid.
Ce roman est publié dans une nouvelle collection de romans policiers créée par Robert Pépin, une légende du milieu, qui a fait découvrir Michael Connelly, George Pelecanos et Lee Child au public francophone alors qu’il travaillait au Seuil Policier il y a quelques années. Son flair est donc impeccable.
Alors que le monde du roman policier n’en a que pour les auteurs scandinaves (surtout depuis que les Américains ont découvert Stieg Larsson après tout le monde) on peut espérer que la prochaine tendance populaire sera le policier sud-africain; tendance amorcée tranquillement il y a quelques années par les traductions et la publication (toujours par Robert Pépin – tiens, tiens!) des romans afrikaners du magistral Deon Meyer (L’âme du chasseur, Les soldats de l’aube, Lemmer l’invisible, 13 heures et autres) avec un clin d’œil au français Caryl Ferey et son sanglant Zulu. Soyez donc parmi ceux qui pourront se vanter d’avoir devancé la vague en lisant ce roman de Roger Smith, mais tout particulièrement les romans de Deon Meyer.
(Mélanges de sangs, en librairie au Québec dès le 5 mai)

texte de Bulle Noire




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LE LEOPARD
(Harry Hole livre #8)
de Jo Nesbø
traduit du norvégien par Alex Fouillet
titre original Panserhjerte

Tout porte à croire qu’un meurtrier en série sévit de nouveau à Oslo, alors que les corps de deux femmes sont retrouvés sans vie et portant des blessures difficilement identifiables mais ayant causées leur mort par hémorragie interne.  L’enquête ne menant nulle part, Kaja Solness de la Brigade criminelle, est chargée de retrouver Harry Hole, le seul spécialiste de ce genre d’affaires en Norvège.  Sauf qu’il se terre très loin, au cœur d’une mégapole, en proie à ses démons et traqué pour dettes de jeux.
La belle Kaja réussit à le denicher et à le convaincre à rentrer au pays, ne serait-ce que pour faire ses adieux à son père mourant. Entre-temps, le corps d’une troisième femme est retrouvé, mais le modus opérandi n’est plus le même : celle-ci a été décapitée après qu’elle eut plongé d’un tremplin avec une corde autour du cou. Puis c’est au tour d’un jeune homme, retrouvé noyé dans sa baignoire, le corps collé avec de la super glu. 
Ne disposant que d’une équipe réduite, Harry doit enquêter en catimini, puisque l’affaire appartient officiellement à la Kripos, le concurrent de la Brigade, dirigé par un enquêteur arriviste, Bellman, qui est prêt à tout pour se couvrir de gloire. Le duel semble inévitable entre ces deux policiers doués mais animés de motivations bien contraires.  Et lorsque Harry arrive à débrouiller une piste, il s’aperçoit que l’info a coulé. Pour le plus grand bien du tueur qui court toujours et se réjouit de cette rivalité qui le favorise, du moins pour un temps.
Cette huitième enquête de Harry Hole nous trimballe d’une Norvège sauvage, enneigée et glaciale, à l’enfer du Congo et nous ballade d’une hypothèse à l’autre sans répit. C’est sans aucun doute la meilleure et la plus aboutie que j’ai lue jusqu’ici. La plus inventive aussi quant aux châtiments corporels infligés aux victimes. Ames sensibles s’abstenir…Et bien qu’Harry ait donné sa démission à la fin de l’enquête, je ne peux croire que Jo Nesbø laissera tomber ainsi son enquêteur fétiche, plus amoché mais plus intense que jamais.
Tout comme pour Michael Connelly, Harry Hole est mon nouveau héros !
Bio de l'auteur :
Né en 1960, Jo Nesbø, d'abord journaliste économique et musicien, a été propulsé sur le devant de la scène littéraire en 1998 en recevant le prix du meilleur roman policier nordique de l'année pour L'homme chauve-souris (Folio Policier numéro 366). Le léopard est son cinquième roman à paraître à la Série Noire. 


texte de Grenouille Noire








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C'est criminel de les ignorer

La bande dessinée, qu’elle soit appelée comics, graphic novels ou BD, et les romans policiers ont en commun d’être depuis longtemps marginalisés par le lectorat, étant trop facilement relégués au rang de littérature facile (comprendre pour attardés) et digne d’un intérêt minimum.  Si vous lisez ce blogue, c’est que vous avez découvert depuis longtemps qu’au moins un des deux est un genre majeur et légitime!  Pour moi, les deux le sont entièrement.

Heureusement, la BD et les intrigues policières font également bon ménage, et ce depuis bien longtemps.  Voici quelques suggestions de lecture, disponibles en anglais et en français :

Parker : Le chasseur – Darwyn Cooke (traduit de l’anglais par Tonino Benacquista)
Vous aurez reconnu ici le titre du premier tome de la série Parker du regretté Richard Stark (Donald Westlake).  Ça prend énormément de couilles pour adapter ce classique du noir en BD, et le dessinateur canadien Darwyn Cooke y réussi de façon magistrale.  Cooke prend très peu de liberté avec l’intrigue originale, mais tout son talent est en évidence dans le dessin style rétro année 50 monochrome.  Superbe.  Seulement le premier tome est présentement disponible en français mais la parution de la traduction du second tome (tout aussi excellent) est prévue pour le printemps 2011.   Un troisième tome est en cours de production pour 2012.  C’est trop loin!

Série Criminal – Ed Brubaker; ill. de Sean Phillips (traduit de l’anglais par Alex Nikolavitch)
Brubaker est un des grands scénaristes vedettes du comics américain des 10 dernières années, ayant travaillé sur des séries telles que Captain America, Daredevil et Gotham Central.  Mais Brubaker est un fan fini du roman noir et il démontre sa maitrise du genre en scénarisant la série Criminal.  Cette série est en fait une succession de vignettes et d’historiettes noires, pure jus dans le plus grand respect des conventions du genre, qui se déroulent dans la même ville avec certains personnages récurrents qui se croisent.

D’ailleurs, le cinquième tome vient de se mériter le Prix BD polar 2011 au festival Quais du polar qui est remis par le public à la meilleure bande-dessinée policière de l’année précédente. Voici donc un bon point de départ pour vous introduire à la série puisque les albums peuvent être lus indépendamment. Publiée sous forme de comics bimensuels, cette série est également réunie en recueils (5 tomes publiés jusqu’ici, en anglais comme en français).

texte de Bulle Noire


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Julius Winsome
de Gerard Donovan
traduit de l'anglais par Georges-Michel Sarotte
titre original Julius Winsome

Depuis la mort de son père, Julius Winsome vit seul dans une cabane à l’orée d’une vaste forêt du Maine où les chasseurs trouvent du gibier en abondance.  Mais Julius ne chasse pas, bien qu’il sache se servir d’une arme.  Son chien Hobbes et sa bibliothèque contenant quelques milliers de livres qui tapisse les murs de sa cabane l’occupent  pleinement.  Son père l’a élevé seul, après la mort de sa femme lors de l’accouchement.  Et il lui a transmis son amour de la langue de Shakespeare et ses souvenirs de guerre ainsi que  ceux du grand-père qui ramena d’Europe un fusil de sniper, un Lee-Enfield.

Les coups de feu sont fréquents en cette fin de saison de chasse.  Mais le dernier a retenti vraiment tout près du chalet et Julius s’inquiète soudain de l’absence de son chien.  Lorsque ses appels demeurent vains,  il se doute que le pire a dû arriver.  Hobbes, touché mortellement, réussit à se trainer jusqu’à son maître mais il est trop tard pour le sauver et le vétérinaire confirme qu’il a été tiré à bout portant.

Alors ce quinquagénaire taciturne qui vivait tranquillement dans son coin, entreprend de retrouver le meurtrier de son chien.  Et comme personne ne se vantera de ce genre d’exploit, il préfère râtisser large.  Les disparitions de chasseurs se multiplient.  Julius a des talents de sniper et de chasseur de gros gibier. 

Ce qui fait froid dans le dos, c’est l’apparente normalité de la vengeance de Julius.  Les meurtres perpétrés nous apparaisent comme allant de soi.  L’auteur réussit à nous faire épouser le raisonnement de ce justicier sanguinaire.  L’étau se resserrera inévitablement sur lui mais sans qu’on redoute trop l’issue fatale.  Peut-être parce que lui-même s’en fout et que plus rien ne le rattache désormais au monde qui l’entoure.
Un récit lent, envoûtant et très bien construit pour les amateurs de grands espaces et les analystes des méandres du fonctionnement psychologique.

Poète, romancier et nouvelliste, Gerard Donovan, né en Irlande, vit actuellement aux États-Unis. Julius Winsome est son premier roman traduit en francais.

texte de Grenouille Noire